RENDONS A MAHAUT SES
MONNAIES !
Nombreux
sont les numismates et les collectionneurs à avoir utilisé, et pour certains
utilisent encore, pour le classement de leurs monnaies le Fameux Poey d’Avant.
Dans
le dernier ouvrage de M. Duplessy, l’attribution d’un Monnaie Nivernaise qui
était jusqu'alors donnée à Mahaut de Bourbon, se retrouve attribuée aujourd’hui
à Mahaut II, femme de Gui II, autrement dit Mahaut de Courtenay. Pourtant rien
dans l’ouvrage n’explique cette soudaine attribution qui passe ainsi inaperçue,
alors qu’il y a eu tant de débats à ce sujet au 19ème siècle. Le
classement reste inchangé, mais la comtesse n’est pas la même.
Mahaut
de Courtenay, fille de Pierre de
Courtenay et d’Agnès, succéda à sa mère en 1192 à la mort de celle-ci sous la
garde noble de son père.
Celui-ci
se remaria avec Yolande de Hainaut, fille de Beaudoin V Comte de Hainaut,
l’année suivante. Pierre de Courtenay entra en guerre avec Hervé de Donzy au
sujet de la terre de Gien et fut prisonnier lors d’un combat qui eut lieu près
de l’abbaye de Saint-Pierre-de-Cosne,
le 3 août 1299. Sa libération passa par la médiation du roi Philippe Auguste et
par le mariage d’Hervé avec sa fille Mahaut. Hervé devint donc alors Comte de
Nevers.
A
la mort en captivité de Pierre de Courtenay parti prendre possession du trône
de Constantinople et fait prisonnier par trahison par Théodore Comnene Prince
d’Epire, le Comte Hervé et sa femme prirent possession des comtés d’Auxerre et
de Tonnerre.
Hervé
meurt le 22 janvier 1223 en ne laissant qu’une fille, Agnès, qui fut mariée la
même année à Gui de Châtillon (Comte de Saint Paul) et qui mourut peu après en l’an 1225. Mahaut, alors veuve, jure
soumission au roi. Elle rend hommage à l’évêque de Clermont et en reçoit elle-même de plusieurs vassaux. Elle
obtient devant le roi la garde du prieuré de La Charité et abandonne à ce même
prieuré tous les droits qui pourraient prêter matière à contestations1.
Elle
administre le comté pendant 5 ans puis se marie à Gui de Forez en 1226. Gui
devient alors Comte de Nevers, d’Auxerre et de Tonnerre. En 1239 il part en
croisade avec le Duc de Bourgogne et meurt le 31 juillet 1241 sans laisser
d’enfants de Mahaut. Elle administre le comté jusqu’à sa mort le 22 juillet
1257.
M. de Soulstrait et ensuite Poey d’Avant ont attribué
les monnaies A/+.M.COMITISSA
R/+NIVERNIS CIVIT à Mahaut de Bourbon pour l’analogie avec
les monnaies
frappées par Eudes comme seigneur de Montluçon2. Selon eux, les monnaies de Mahaut n’en seraient que
des imitations3… mais il se pourrait que ce soit tout le
contraire !
Monnaie de Mahaut
Eudes
étant Comte de Montluçon de 1241 à 1262, il se peut très bien que ce soit
celui-ci qui imite les deniers de Mahaut de 1241 à 1257.
A.
de Longperrier envisageant le côté historique et après un mur examen dit-il4, restitue ceux-ci à Mahaut
de Courtenay. Ces deniers auraient été frappés soit pendant sa première période
de veuvage à la suite de la mort d’Hervé de Donzy de 1223 à 1226, soit pendant
sa deuxième période de veuvage après la mort de Gui de Forez de 1241 à 1257.
Ajoutant pour expliquer la présence du lis au revers dans le
champ en qualité de descendance royale (elle est la petite fille de
Louis-le-Gros et par conséquent la cousine du roi), H. Sarriau objectait5 que Mahaut de Courtenay
abandonnait le comté à Gaucher de Châtillon son petit-fils, qui fit acte de
souveraineté en Nivernais en 1245 en confirmant les libertés et franchises de
la ville de Nevers. Mais la charte originale étant perdue, on ne sait à quel
titre il le fit vraiment.
M.
Morelet dans le deuxième volume du bulletin de la société nivernaise (page
199), pense que Gaucher de Châtillon le fit à titre d’héritier présomptif du
Comté de Nevers. Cela expliquerait pourquoi la même année Mahaut ajoute à son
titre de Comtesse de Nevers véritable héritière et capitanesse du Nivernois.
Car oui, le comté semble bien lui avoir été promis, comme le prouve
l'inventaire des titres de Nevers par l'abbé Marolles6 .
Nous
avons retrouvé un texte daté de février 1248 à Chippre : Lettre de Gaucher
de Chastillon, sire de Saint-Aignan en Berry, disant avoir donné à Halayn Le
Lou, Chevalier, 40L. De rente en fief zn la conté de nevers, quand la dite
comté lui sera echue, scellées du sceau du dit seigneur, ou il est représenté à
cheval.
Mais
Gaucher meurt en 1250 à la bataille de Massoure, lors de la croisade entamée
avec Saint Louis en 1248, sans avoir pu mener à bien ce projet.
Pour
preuve que Mahaut de Courtenay conserva son titre de Comtesse de Nevers, M. Morelet expose le fait suivant : « A
toutes les époques de son second veuvage, elle prend le titre de comitissa
Nivernensis et ajoute, pour qu’on ne puisse douter de la plénitude
de ses droits et comme si elle avait parfois à renverser des prétentions
rivales, vera heores et capitanea dicti comitatus7, véritable héritière et capitanesse de ladite comté.»
Comme
Comtesse de Nevers, elle fonda l’abbaye de Notre-Dame-du-Réconfort.
En
1245, elle assure quarante livres de rentes à l’évêque de Bethléem sur la ville
de Cercy, dans le diocèse d’Autun.
Elle
constitua, de concert avec son seigneur féodal l’évêque d’Auxerre, des arbitres
pour terminer un différend qui les divisait.
En
1246, elle charge Hugues de Varigny, seigneur d’Anlezy, de la représenter et de
la remplacer au portement de l’évêque d’Auxerre.
En
1247, elle fait hommage à l’Evêque de Chalons. Elle passa un compromis avec le
Sire d’Espoisses et de Château-Chinon dont elle avait fait brûler les maisons
et les terres.
En
1248, elle reçoit hommage et foi de Josserand de la Rivière, pour la motte de
Villiers, près de Donzy.
En
1249, la Comtesse Mahaut tient à Clamecy sa cour plénière. La confiscation du
fief de Guillaume de la Verrières y fut prononcé pour avoir porté les armes
contre la Comtesse.
En
1251, elle convertit en fief le franc-alleu
(fonds de terre, soit noble, soit roturier, exempt de tous les droits et
devoirs féodaux) de La Montagne.
Elle
rendit hommage à l’évêque de Langres en 1253 pour les terres qu’elle possédait
dans la mouvance de son évêché.
Enfin
c’est comme Comtesse de Nevers qu’elle fit son testament à Coulanges-sur-Yonne,
qu’elle disposa de legs nombreux, pris sur les terres de Nevers en faveur des
églises, des monastères, des hôpitaux et des léproseries du nivernais.
Mahaut
meurt en 1257 à Coulanges-sur-Yonne. Beaucoup d’actes prouvent donc l’activité de Mahaut en tant que Comtesse de
Nevers.
M.
Morelet ajoute que de 1241 à 1257, nous ne voyons figurer dans les chartes
nivernaises, ni Gaucher de Châtillon (mis à part la charte dont nous parlons
plus haut), ni sa nièce Mahaut de Bourbon.
Gui
meurt en 1241. Sa fille, Yolande de Châtillon, se marie à Archambault IX de
Bourbon. De cette union naît alors Mahaut II de Bourbon (1234 - 1262). Celle-ci
n'hérite donc du comté qu'à la mort de Mahaut de Courtenay en 1257.
Mahaut
II de Bourbon étant déjà mariée avant d’hériter du comté de Nevers, il n’y a
aucune raison pour qu’elle ait frappé des deniers à son nom.
Monnaie de Gui de Forez
Le trésor de Courcelles -Frémoy nous éclaire pour l’attribution de ces
deniers à Mahaut de Courtenay, l’auteur l’ayant d’ailleurs fait en indiquant
Mahaut II (1241-1257).
Pourquoi
indique-t-il Mahaut II ? Nous pensons que c'est parce que Mahaut de
Courtenay est la deuxième comtesse du nom de Mahaut qui a véritablement
administré le comté de Nevers (la première étant Mahaut de Bourgogne, femme de
Gui 1er et administrant le comté à la mort de celui-ci, son Fils
Guillaume V étant encore enfant).
Ce trésor, dont la date d’enfouissement est
estimée peu après 1270, contenait onze deniers de Mahaut , mais aucun
de Gui de Forez, son second mari. Ceci
laisse donc supposer que c’est bien pendant sa deuxième période de veuvage que
ces deniers ont été frappés.
F. ROZIER
[1] ECOLE
DS CHARTES, Position des thèses soutenues par les élèves de la promotion,
1855-1856 p.87
[2] F.
POEY D'AVANT, Monnaies féodales de France, tome 1, Paris, 1862, p332,
planche 48/17 n°2208
[3] G. DE
SOULSTRAIT, Essai sur la numismatique nivernaise, p.56
[4] Compte
rendu de l’essai de la numismatique
bourbonnaise de M. de Soulstrait. Revue num. 1859 P.267.
[5] H.
SARRIAU, Numismatique nivernaise, Bulletin de la société nivernaise,
1894, tome VI, p.45
[6] Inventaire de titres de Nevers par l'abbé
Marolles, Lay.cotée Fiefs seconde (T,1er,p.411)
[7] Chartes de 1245
dans le Gallia Christ.,T12 Inst. Eccles. Betlem, col.237 et 238
[8] P-J. CAFFIAUX,trésor généalogique ou extrait
des titres anciens, p426
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